mardi 24 avril 2007

3 commentaires:

Brett Sinclair of Marseille a dit…

Prenez trois pinceaux, un peu d’eau, quelques tubes de gouaches, un beau trépied, une toile bien lisse , placez-vous en pleine lumière , respirez fort, libérez vos ondes positives, laissez-vous faire .
Les pinceaux se mettent à tourner sur votre palette. Ocre , vermillon, anis, turquoise, tourbillons de nuances , nappages de coloris , l’exercice commence doucement. Le regard fixe sur la toile, l’inspiration est naissante encore un peu craintive et gauche.
Il faut alors reprendre de longues respirations, videz encore quelques petites parcelles trop réalistes qui planent en vous , prenez le chemin des rêves , partez loin , très loin de vous même.
Détendez –vous la nuque , ramollissez vos bras, pliez doucement vos jambes , vous devenez plus souple, vous commencez à vous détendre , la magie arrive, vous êtes subitement plus doux.
Les pinceaux deviennent à leur tour de plus en plus « diablotins ». Leurs poils sont maintenant, imbibés d’une peinture épaisse et odorante . La toile silencieuse et figée se montre follement attirante . Elle patiente , elle imagine des formes , des traits et des tâches multicolores. Elle sait qu’elle va recevoir de belles choses , que sa surface si plane ,si blanche , va changer .Une longue patience est égale à une agréable souffrance Les pinceaux sont opérationnels , impossible de les tenir , l’envie est trop forte. Plus de barrières , ils attendent plus que la créativité de vos mains. Agrippez –les fermement. Tenez-les bien ces manches en bois brin , ils vont vous conduire vers l’en deçà des choses.
Vos gestes ne doivent plus être calculés., Offrez-vous à eux sans vergogne, sans retenue. Oubliez vos connaissances picturales , vos idées définies sur les formes et leurs couleurs habituellement attitrées , le moment est trop vif pour retomber dans le terre à terre et le cruel. Donnez-vous cette chance de construire , de créer une « second life » aux choses. Accordez –vous cette chance de modeler , de les parfaire à votre manière . Occultez sévèrement vos préjugés , respirez encore , vous entrez docilement autre part , vous quittez la surface rigide et froide du réel.
Tous vos sens sont aussi en activité. Votre cerveau est bouleversé par l’ardeur de ces pinceaux. Ils enivrent , vous devenez « le jouet », vous goûtez alors aux délicats prémices des « Sentiments Modernes ».
Vous êtes alors plongés dans un profond bien-être . Les choses ne sont plus les mêmes choses, les formes ne sont plus les mêmes formes , les couleurs changent de couleurs, la normalité des choses n’est plus. Les pinceaux vous donnent cette chance de voir autrement. Ils vous paraissaient surnaturels , mais vous n’avez plus vos notions primaires , il n’y a plus de stéréotypes , de clichés , les choses se font tout naturellement ,si elles doivent se faire , laissez-les venir, donnez libre cours à votre soumission pour ces morceaux de bois poilus et si doux , ils sont atrocement magiques.
Mais ces pinceaux , deviennent des doigts, vos doigts, cette greffe s’est effectuée magnifiquement , vous en jouissez d’une totalement. Vous avez quartier libre, le pass pour un « magic land » . Utilisez avec fierté ce « cadeau » , déformez comme bon vous semble cette pseudo normalité , allez plus loin que les choses , appropriez-vous leurs formes initiales et inventez pour elles une perceptive plus harmonieuse et personnelle.
Mais sans vous en rendre compte, absorbés par le mouvance des couleurs, la toile blanche devient votre propre corps , le trépied qui la tenait peu maintenant disparaître , vous êtes en totale équilibre sur vous même . Les pinceaux, vos doigts, caressent la toile , votre corps. Vos barrières cérébrales inculquées s’effritent. Vos goûts inavoués , presque honteux , vos répulsions profondes se traduisent en jouissances infinies . Que de temps perdu ! L’heure est venue de laisser transpirer votre « Vous » intérieur , ne planifiez plus rien , l’officieux se transforme en officiel , vous êtes « Vous », ne serais ce que pour une nuit ou pour une quantité même infime de minutes . L’espace , les lieux sont bien futiles . Une couverture posée à même le sol, dans un chalet de bois entouré de béton , dans une voiture sur un parking boueux, au froid ou bien au chaud , le contexte importe peu , les pinceaux, vos doigts, la toile , votre corps , sont plus loin , les choses ne sont plus celles quelles étaient et ne le seront plus. Vous les domptez , tout est à « Vous »….. l’en deçà des choses .

brettsinclairofmarseille a dit…

Il devait encore être très tôt , la nuit était encore là , elle résistait , silencieuse. Je suis sorti les pieds nus sur ma terrasse , avec une étrange envie en tête : devenir un végétal.
Je voulais avoir moi aussi des racines , des feuilles et des fleurs sur tout le corps. J’ai foulé l’herbe fraîche , endormie de rosée. J’ai traversé mon jardin , d’un pas lent , comme celui d’ un danseur. Le vieux mûr prés du cabanon m’attendait , je suis venu vers lui , les yeux remplis de passion et débordant de désir. J’ai choisi de le toucher du bout des doigts pour sentir ses pierres inégales et froides. Une fine mousse verte me chatouilla gentiment les ongles.
Puis je me suis placé de dos , la tête haute , bien droit , je fus comme aimanté à lui , un appel franc presque bestial.
Je suis resté un long moment , le cœur battant à la chamade , j’étais comme collé aux pierres. Une légère brise ondula mes cheveux , une sensation de chaleur me caressa les bras , je n’avais plus envie de bouger , l’instant était tellement spécial , je prenais ma place , je rentrais dans le mûr progressivement.
A gauche , dans une veine épaisse , entre deux pierres , de petites lianes de vigne vierge s’approchèrent de moi . Mes mains furent bientôt coincées par ce liquide vert.. Elles inondaient l’espace. Mes bras , mes jambes , mon torse ,elles prenaient d’assaut tout mon corps. Impuissant , mais conscient , je voyais la blancheur , presque laiteuse de ma peau disparaître par un vert profond .
Un oiseau tournoya autour du cabanon. Il déploya ses longues ailes , le bec ouvert , il était majestueux. Il se posa prés de moi , ses yeux noirs me fixaient , il pencha sa petite tête à gauche puis à droite pour me regarder plus fortement. D’un coup sec il s’envola , il fit encore deux tours complets , puis mon nez devint son perchoir. Je sentais ses griffes rentrées dans ma peau si sensible à cet endroit. Avec délicatesse , il ouvrit en grand ses ailes et un épais bandeau de plumes , emprisonna mes yeux.
Mes pieds devenaient deux belles racines puissantes , ils rentraient dans la terre molle et odorante .
Je devenais de plus en plus un végétal , mon corps était livré à cette nature toute folle et assoiffée de mon sang. Je pouvais encore crier , rire, il me restait ma bouche pour m’exprimer , mais ce fut de courte durée , le rosier prés du cabanon ajouta à ma transformation ,la touche finale .Il bougea vivement et quelques belles roses s ‘envolèrent vers moi Des belles roses rouges charnues se regroupèrent entre elles comme un foulard en boule , ma bouche fut remplie alors de cette masse odorante .
J’étais alors vraiment prisonnier , attaché , lié , privé de mes sens , ce fut pour moi délicieux , je me donnais vraiment aux caprices de la nature .
Je jubilais de me sentir dans cet état , un tiraillement intense me déchira le bas du ventre . Etre la proie , l’esclave de cette puissance vivante.
J’avais la tête basse , les bras mous , les jambes pliées , j’attentais . Je devenais son jouet , son objet , son cadeau , je m’offrais à cette nature .

Un chatouillement sur le bout de mon nez , me fit sursauté. Je sentais ma peau humide de sueur. Un œil ouvert , puis deux , ma chambre était là. Lit , draps, livre ouvert sur la table de nuit , le verre d’eau du soir , tout était à sa place. Je fus le premier surpris de ce décor habituel , presque déçu.
D’une main fébrile , j’ai touché mon nez irrité , une plume d’oiseau des champs tomba sur le drap blanc ….-)

brettsinclairofmarseille a dit…

Sur tout mon corps on a placé des tiroirs, des grands ,des petits , des profonds ,des courts , des ronds et des carrés. Chaque jour un tiroir s’ouvre , je plonge ma main à l’intérieur et je découvre le contenu.
Je puise , je sors et j’analyse ce que l’on y place. Je suis surpris quelques fois de mes trouvailles. Ma mission quotidienne est de me servir le mieux que possible de ces cadeaux. Je travaille dure quelques fois. J’avoue que les barrières sont souvent très hautes à franchir mais une puissance invisible me guide.
Je dois monter dans des sphères inconnues, m’aventurer dans des chemins si nouveaux pour moi. Les tiroirs sont là pour m’apprendre « une vie différente ».
Je dois tester la puissance qui est en moi , je dois casser ce carcan cérébral qui me colle à la peau.
Je laisse de côté mes idées arrêtées , je bascule dans le vide , je plonge dans un monde sans limite , je déguste des mets fabuleux inconnus ou oubliés , je me gave d’ interdits , je me découvre au delà de ma propre nudité. Je vais plus loin , je décortique chaque espace , chaque instant est une explosion des sens , un tremblement , une frénésie.
Les tiroirs sont heureux et s’ouvrent de plus en plus. Ils palpent mes tripes, ils malaxent mes muscles ,ils titillent mes papilles , ils explosent mes neurones.
Ils arrivent à me rendre nature , à enlever en moi toutes traces de préjugés et de logiques . Ils me tirent vers la droite , alors que je n’avais connu que la gauche. Ils singent ma pudeur , pour laisser place à mon arrogance endormie qui n’attendait que ce signal pour exploser.
Ils arrivent à mélanger les genres , à me troubler , à m’offrir à des bras différents . Ils me donnent accès à de nouvelles saveurs . Ils me présentent des échelles géantes ou je monte sans peur., Ils transforment ma souffrance en un tapis de soie bien épais. Un couteau se pose sur ma peau , il devient une plume , celle d’un oiseau rare , une méchante pression , un geste brusque en une caresse infinie .
Ils déplacent la normalité , ils déforment les bruits , changent les couleurs et diabolisent les parfums . Maîtres de « mon monde », déclencheurs de plaisirs , de mes plaisirs .
Je finis par ne devenir qu’un seul et unique tiroir. On m’ouvre, on me ferme, on me remplit ,on me vide , je suis « Le Tiroir » , « Votre Tiroir ».